De la sexualité des adolescents.
Agitation en classe. Anatole se planque derrière Charles. Je crois (fou que je suis !) qu’il prend la leçon. Celle-ci se termine exactement une minute avant la sonnerie qui signale l’issue de ce cour.
Quand je dis : vous pouvez ranger vos affaires les garçons de la classe se précipitent vers Anatole et il règne une grande agitation qui ne me plaît guère et que je soupçonne (prof que je suis !) être basée sur un truc pas très sain. Je pense à des blagues obscènes ou des insultes sur mes collègues.
Agitation quand j’arrive, on range précipitamment des documents. J’en saisis un au passage. Anatole se décompose. Me supplie quasiment de lui rendre la feuille quadrillée, de ne la montrer à personne (alors que tous les garçons de la classe en ont profité).
Je l’envoie bouler et je range le doc dans ma pochette.
Arrivée à la maison, je regarde.
Cinq garçons de la classe sont représentés nus en train de se branler. Le sexe bien raide. Ils sont identifiés par leurs prénoms écrit en rouge en dessous de chaque personnage.
A leurs pieds deux des filles de la classe. Les plus jolies. Vraiment très jolies même. Une en particulier qui dégage déjà quelque chose de sensuel, inconsciemment sans doute car ni l’une ni l’autre ne sont ce qu’on appelle des allumeuses. Je n’aime pas ce mot, (que veut-il dire au juste ?) mais il a le mérite de bien décrire le genre de fille que ne sont pas Constance et Clémence représentées nues elles aussi.
Chacun des personnages exprime une idée hautement philosophique :
- Léon : J’lui fais le cul (il regarde avidement Clémence, la sensuelle, qui est pourtant représentée en position du missionnaire mais enchaînée par les bras, cuisses ouvertes, on la voit de profil).
- Kévin : Moi, je lui vomis dessus (il regarde lui aussi Clémence)
- Nikos (il est handicapé) : c’est la première fois que je vois une fille nue.
- Cristobald : moi, je me branle sur Léon. ( ?)
- Charles (c’est le plus petit de la classe) : MERDE, je peux rien faire avec mon petit sex. (sic)
- Clémence : baiser-moi comme une grosse salope (sic)
- Constance (représentée à quatre pattes, dans une position invitant à la sodomie et enchaînée par les pieds : Ils vont me casser le cu AIE. (sic)
- La trame de fond : des films pornos de bas étages. Gang bang, scène de douche de sperme ou dix types se branlent sur le visage d’une fille.
- L’image de la femme. Désastreuse, humiliée, offerte, bonne à baiser et à qui on ne demande rien. Deux objets. Clémence réclame du sexe et s’insulte elle-même. Constance à peur de la douleur, mais semble en demander quand même. Fantasme de domination et/ou de rencontrer une fille facile avec laquelle assumer tous les fantasmes.
- Il y a bien aussi un fantasme homosexuel.
- Fantasme du mépris (lui vomir dessus)
- … et un fantasme de la 1ere fois (de l’innocence ?). Sans doute aussi le dessinateur se voit-il au-dessus de ces compagnons. Lui, il a déjà vu une fille nue. Mais peut-être uniquement sur Internet (mais peut-être non, car il est beau gosse). Mais peut-être rêve-t-il secrètement de Constance et/ou de Clémence ? En ce cas, il lui faudra trouver le moyen d’exprimer plus humainement son attirance ! Bon mais après tout elles ne l'attirent que sexuellement ?
- La position des personnages les uns par rapport aux autres : les garçons sont très loin de Clem et Constance. Comme si, bien qu’étant entravées, offertes et sans défense, elles les effrayaient. Se sont encore elles qui ont le pouvoir finalement. Eux préfèrent la branlette plutôt que d’affronter ces corps dont sans doute, ils ne sauraient que faire. Mais je gage que d’un point de vue affectif ou psychologique, ils ne sauraient pas mieux s’y prendre. Au final, ils choisissent de regarder et de ne pas affronter (ou dois-je dire de ne pas se confronter à) des sujets (j’emploie le mot à dessein) pourtant enchaînés.
Finalement c’est une triste image de la sexualité adolescente que nous donne le dessin d’Anatole.
Je ne suis pas choqué. En tenant un blog pareil il serait singulier que je le sois ! Mais je m’interroge sur :
- L'image de la femme transformée en objet sexuel en même temps qu’en un être effrayant qui inspire la peur. Ce qui au final permet d’en faire ce qu’on en veut. Ils connaissent donc si peu les femmes nos ados ? On en est toujours là ?
- La peur que leur inspire une sexualité vraie, vécue avec des êtres de chair et de sang. Ils préfèrent se masturber plutôt que de découvrir qui sont les filles. Ils renoncent à les aborder, à leur parler. Ils ne veulent rencontrer ni l’être pensant, ni l’être affectif et pas même l’être sexué. J’ai presque envie d’écrire pas même envie de rencontrer leurs sexes !
- La peur (ce qui peut se comprendre, cet autre si proche et si différent) :
- d’être homo
- d’avoir un sexe trop petit
- de ne pas savoir quoi faire.
- Leur manque de courage. Ils renoncent à les connaître en renonçant à s’approcher. Le seul acte sexuel mentionné c’est « lui faire le cul ». Par derrière donc. On n’affronte pas les yeux dans les yeux cet être effrayant !
- Le manque de communication. Tous les personnages sont refermés sur eux-mêmes et fonctionnent sur le mode du monologue intérieur. Seule Clémence finalement s’adresse à tout le monde ce qui est une autre manière de ne s’adresser à personne.
- Leur passivité. Les mecs regardent les filles nues et offertes en s’adonnant au plaisir solitaire tout comme ils pourraient le faire devant un écran. L’espace très marqué qu’il y a entre les filles (dessinées en bas) et les garçons (en haut, en position de dominants) joue en quelque sorte le rôle de l’écran qu’ils doivent fréquenter assidûment (j’imagine).
C’est juste une image de la sexualité adolescente moderne. Moderne ? Boaf ! Plutôt un témoignage de leur profonde ignorance. Et que peu de choses ont changées.