Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Les carnets d'Eros
Les carnets d'Eros
  • Peintures aquarelles textes érotiques, lesbiens, gay, sexuels, sensuels, sensibles, troublants, envoûtants, nouvelles érotiques où hommes et femmes frémissent à l'unisson et parfois sans se comprendre.
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
6 mars 2014

La Fille toute nue sur la photo (Une histoire de l'Eros nostalgique)

Le studio qu’occupait la vieille dame est situé dans un foyer pour personnes âgées, dans le village d’O….. Depuis son balcon, il offre une belle vue sur les montagnes tandis que les nombreux clichés que je découvre offrent une belle vue sur sa vie.

Mais la vieille dame n’est plus là. Elle est décédée.

C’est en aidant les membres de sa famille à déménager son appartement que j’ai découvert les albums photos.

 

Il y en a un consacré au chat. Un matou noir et blanc sportif et rural ! On le voit dans les situations banales de sa vie de chat. Un autre est dédié à la découverte de la Corse. Plusieurs sont occupés par des photos de vacances et de famille. Se sont de vieilles photos dont certaines datent des années 1920 ou 1930. Elles montrent les parents de la vieille dame. Les plus nombreuses datent des années 50-70, son âge d’or.  J’ai également trouvé deux albums occupés par les photos de ces tableaux et des expositions auxquelles elle a participé. Ingrid, la vieille dame, peignait avec un talent inégal.

 

Au détour d’un des albums, je découvre une image qui doit dater des années 1950 ou 60. On y voit une femme nue. La photo est en noir et blanc, d’assez mauvaise qualité, les tons ont passé avec le temps. Le grain est grossier.

La scène se passe à l’extérieur. En été. Son buste est légèrement incliné vers l’arrière. Elle s’appuie sur ses mains posées dans son dos, bien à plat sur le muret. Ses jambes sont allongées devant elle. Elle est encadrée de deux hommes sobrement vêtus. A leur allure, on devine que ce sont deux ouvriers ou deux paysans endimanchés.

 

La fille paraît petite. Elle est blonde, mais arbore sans complexe une superbe chatte sombre. A l’époque, le poil ne faisait pas peur et les pontes du cinéma porno n’avaient pas encore imposé la mode du pubis invariablement glabre de nos stars du X !

Comme je ne connaissais pas Ingrid, je ne sais si  elle est cette femme sans complexe, aux seins menus, à la bouche rieuse et gourmande et aux belles jambes musclées. Tout son corps parle d’une vie saine. On le devine intense et ferme, endurant et plein de vigueur. Rien ne vient contredire la féminité et le pouvoir de séduire de cette femme admirable. Pour tout dire, elle est absolument désirable !

 

Je décide de ne pas parler de cette photo. Je ne veux pas violer l’intimité d’Ingrid. Est-ce elle d’ailleurs ? Je reprends mon activité de déménageur occasionnel et range l’album dans un carton.

 

Est-ce le fait de vider l’appartement, d’en remuer les objets qui remue les souvenirs ? Toujours est-il qu’au moment du repas, les langues se délient. On évoque Ingrid et la famille élargie, cette très émotionnante institution. Père et mère, Oncles et tantes, neveux et nièces, ascendants et descendants.

On se remémore les vieilles histoires, les bêtises des gamins, leurs accidents et les drames familiaux. Robert, l’ordure de la famille qui a escroqué ses frères et sœurs et ses neveux. Paul, prisonnier en Allemagne, Henri mort trop jeune de la tuberculose, Maurice sorti miraculeusement indemne d’un accident qui l’a vu passé sous une automobile. A l’époque la garde au sol des voitures était beaucoup plus haute qu’aujourd’hui. 

Ingrid a eu un fils. Alcoolique, il est mort à quarante ans, dans des conditions suspectes pendant une cure de désintoxication. Son corps était noir m’a-t-on dit. Peu de temps après, Pierre, son père et donc mari d’Ingrid, fêtard invétéré, est mort d’avoir trop aimé ce fils qu’il a vu se détruire. Bien sûr il se sentait coupable et cachait son mal-être derrière d’incessantes blagues, éclats de rire, plaisanteries sans fin et fêtes à n’en plus finir.

On en vient à parler d’Ingrid. La fratrie est nombreuse. Pas moins de dix enfants, dont une sœur prénommée Maria. Cette dernière avait la réputation d’être vaguement pute et après quelques instants d’hésitation, on dit franchement qu’elle a vécu de ses charmes. Elle avait paraît-il, de nombreux amants qui avaient en commun d’être riches.

Après avoir vécu une jeunesse besogneuse dans sa région natale, elle avait quitté la petite usine familiale pour monter à la capitale. Sans doute est-ce là qu’elle s’était découvert un potentiel charnel monnayable et qu’elle avait décidé de mettre sa sensualité au service d’hommes capables de lui payer son confort et de lui offrir du plaisir.

On fait passer d’autres photos que celles des albums. On y voit une Maria toujours élégante, portant magnifiquement l’habit et dégageant toujours autant de bonne humeur que d’intensité charnelle.

Maria s’est mariée tardivement. Avec un commissaire de police !

Etait-elle vraiment pute ou a t’elle simplement profiter de la vie et des facilités qu’elle lui offrait ? Je ne le saurai jamais.

 

Ce qui me frappe, c’est que le statut de Maria semble avoir été accepté par tout le monde. On la voit souvent sur les photos, parisienne jusqu’au bout des ongles en compagnie de sa fratrie, souriante et distinguée. Et les vieux et vieilles autour de la table me parlent avec un parfait détachement de Maria et de son mode de vie.

L’évocation de ces souvenirs graveleux déclanche bien quelques réactions amusées et des sous-entendus salaces – elle avait une grande bouche, elle avait le cul accueillant, elle faisait facilement le grand écart…- mais finalement il n’y a pas de jugement moral porté sur ses choix. On en rit beaucoup autour de la table. Et l’on admet qu’elle avait bien raison.  Après tout, elle n’a fait de mal à personne.

Quant à Ingrid, on la soupçonne du même appétit  charnel et de la même audace. Elle aurait posé nue pour des artistes et serait même allée jusqu’à participer à des soirées endiablées dont le contenu ne fait mystère pour personne dans l’assemblée assise autour de la table ! Mais là où Maria avait choisi Paris, la vie avait conduit Ingrid dans la région lyonnaise. Il y a même un vieux monsieur qui, à ce moment-là, se retire de la conversation, et ses yeux plongent dans le vide, vers des souvenirs que l’on évoque difficilement en public et dans lesquels on adore se plonger, en secret, pour retrouver la saveur des plaisirs perdus.

J’en déduis que la femme nue doit être Ingrid. Et mon esprit élabore un scénario ou Maria prend la photo en tenue d’Eve. Je vois les deux sœurs en train de s’envoyer en l’air dans la prairie, l'abricot ouvert aux quatre vent, engouffrant les queues des deux ouvriers. Si elles n’avaient pas été de la même famille, je les aurai aussi imaginées se gâtant le cœur fendu et se léchant les seins en attendant que leurs amants reprennent de la vigueur !

On l’aura compris, la vie des deux sœurs est entourée d’une aura de scandale qui fait la joie de la famille !

 

Sur la fin de sa vie, Ingrid avait choisi de venir vivre le reste de son temps à O… , le village qui l’avait vu naître. Peut-être pensait-elle y retrouver ses copines d’antan, la vie et les odeurs de sa jeunesse, quant le village vivait, était actif et plein de l’énergie bruissante des paysans, des ouvriers et de leurs familles pléthoriques.

 

Désirant conserver son indépendance, elle conduisait toujours sa voiture à presque quatre vingt dix ans, pour la plus grande frayeur de ses passagers et des quelques passants qui empruntaient encore les trottoirs du village.

C’est cela qui l’a tué. A force de conduire la tête embrouillée comme elle le disait, on l’a retrouvé encastrée dans un arbre sans que l’on sache vraiment ce qui s’était passé.

 

Elle n’est pas décédée sur le coup. On l’a transporté à l’hôpital ou elle a survécu plusieurs jours. Le choc lui avait fait perdre définitivement la tête. Durant ces derniers jours de vie, elle tenait des propos incohérents. Parfois, ils avaient une très nette connotation sexuelle. Et même franchement pornographique !

 

 

Quand j’ai entendu l’histoire des délires érotico-hospitaliers d’Ingrid, je me suis souvenu de ce psychiatre qui avait pour cliente une vieille dame dont le fiancé était mort dans les tranchées de la première Guerre Mondiale. La pauvrette n’avait jamais retrouvé d’homme pour l’épouser et Catherinette elle était restée. 50 ou 60 ans après, elle avait encore des rêves érotiques dans lesquels elle se mettait en scène avec son fiancé mort pour la France ...

 

Carnets d’Eros

Publicité
Commentaires
C
Je suis content qu'il soit apprécié ! Surtout par une femme de qualité. <br /> <br /> Je ne sais pas s'il a été beaucoup lu, mais j'aime particulièrement cette histoire et la manière dont la famille l'a accepté.
Répondre
M
J'aime beaucoup ce texte. Merci!
Répondre
Newsletter
Publicité
Visiteurs
Depuis la création 25 149
Publicité